Percy Bysshe Shelley (1792-1822)

Adaptation de la notice «Shelley» parue dans La Grande Encyclopédie : inventaire raisonné des Sciences, des Lettres et des Arts, tome vingt-neuvième (Saavedra-Sigillaires). Ouvrage réalisé par une société de savants et de gens de lettres, sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus et alii. Réimpression non datée de l’édition de 1885-1902. Paris, Société anonyme de La Grande Encyclopédie, [191-?], pp. 1147-1148.

Auteur du sonnet : «Ozymandias», écrit en 1817. Pour la traduction française, cf. la notice «Les colosses de Ramsès II et de Touy».

«Ozymandias»
«I met a traveller from an antique land
Who said: Two vast and trunkless legs of stone
Stand in the desert . . . Near them, on the sand,
Half sunk, a shattered visage lies, whose frown,
And wrinkled lip, and sneer of cold command,
Tell that its sculptor well those passions read
Which yet survive, stamped on these lifeless things.
The hand that mocked them and the heart that fed:
And on the pedestal these words appear:
“My name is Ozymandias, king of kings:
Look on my works, ye Mighty, and despair!”
Nothing beside remains. Round the decay
Of that colossal wreck, boundless and bare,
The lone and level sands stretch far away».

Biographie résumée

Portait de Percy Bysshe Shelley (par Amelia Curran, 1775-1847)

Percy Bysshe Shelley.
(par Amelia Curran, 1775-1847)

Poète et romancier anglais, né près d’Horsham le 4 août 1792, et mort en mer le 8 juillet 1822. Il fit ses premières études à la pension de Sion House, de Brentford, les acheva à Eton. En raison de sa faiblesse, de sa beauté et de sa sensibilité maladive, il eut à souffrir les persécutions de ses condisciples. Pour se consoler et oublier, il se jeta, avec ardeur, dans les études et dans les expériences scientifiques qui avaient pour lui un vif attrait ; ce qui lui valut, du reste, le surnom de «Shelley le Fou», ou celui, encore plus perfide, de «Shelley l’Athée». Il composait déjà des romans : Zastrozzi (1808) — qui se ressent grandement de l’influence de Mrs Radcliffe — ; Saint Irvyne or the Rosicrucian (1810) ; des poésies : Wandering Jew, recueil écrit avec Thomas Medwin ; Original Poetry by Victor and Cazire (1810), en collaboration avec sa cousine Harriet Grove, à laquelle il voua toute sa vie un amour platonique. D’un collège d’Oxford, où il achevait son instruction, il se fit expulser pour une composition qui fit horreur aux directeurs : The Necessity of Atheism (1811). C’est alors qu’il vint s’établir à Londres, s’amouracha d’une fillette de seize ans, Harriet Westbrook, et l’épousa après un romanesque enlèvement. Peu après, il se lia avec Southey, avec Godwin, et se jeta tête baissée dans la politique, en discourant dans les meetings et participant aux extravagances des végétariens. Ses écrits révolutionnaires, Déclaration of Rights (Dublin, 1812) et The Devil’s Walk (1812), attirèrent l’attention du gouvernement, et, pour se soustraire à des poursuites imminentes, il erra d’un bout de l’Angleterre à l’autre, trouvant tout de même le loisir de publier sa Queen Mab (Londres, 1813, in-8), poème philosophique, et une Refutation of Deism (1814, in-8), qui sent le fagot.

Son ménage devint un enfer, et il se sépara de sa femme pour les motifs les plus singuliers, ceux qu’on a l’habitude de qualifier d’incompatibilité d’humeur. Pour se consoler, il enleva Mary Godwin et fit avec elle un voyage en France et en Suisse dont il a publié le récit, The History of a Six Weeks’ Tour (1817). Entre temps, sa femme avait donné naissance à un fils, Charles Bysshe, et toute la famille de Shelley, furieuse de l’abandon où il l’avait laissée, coupa les vivres au poète. Ses misères lui inspirèrent un magnifique poème : Alastor or the Spirit of Solitude (Londres, 1816, in-8) ; mais elles ne s’atténuèrent pas pour autant. Bien au contraire, il fut forcé de revenir sur le continent à la suite d’affaires de femmes très embrouillées, où fut mêlée Claire Clarmont, l’une des maîtresses de Byron, qui d’ailleurs lui fit connaître le grand homme. Là-dessus, la femme de Shelley mourut dans des circonstances assez pénibles, et le poète épousa le 30 décembre 1816, Mary dont il avait déjà un fils et dont il eut une fille peu de temps après. Claire Clarmont, maintenant brouillée avec Byron, dont elle avait eu une fille, Allegra, retomba avec son enfant à la charge de Shelley, que Godwin poursuivait, par ailleurs, de ses demandes d’argent. C’est au milieu de tous ces embarras qu’il créa un chef-d’œuvre, The Revolt of Islam (Londres, 1818, in-8), l’un des plus purs morceaux de poésie de la littérature anglaise. Mais comme il ne pouvait plus vivre en Angleterre, il alla s’établir en Italie (1818), sans esprit de retour. Il y retrouva Byron, auquel il rendit la petite Allegra, se lia avec lui d’une forte amitié, visita les grandes villes : Florence, Naples, Venise, Rome, écrivant beaucoup : The Cenci (1819, in-8), tragédie en cinq actes ; Prometheus unbound (1820, in-8), poème d’une sublime envolée sur le thème de la rédemption de l’humanité ; The Ode of the West Wind, d’un lyrisme échevelé, etc… La connaissance qu’il fit de la charmante Emilia Viviani lui inspira son Epipsychidion (1821, in-8), d’un si mélodieux mysticisme, et la mort de Keats, son Adonais (1821, in-4), qui passe pour son chef-d’œuvre. D’une activité intellectuelle prodigieuse, il traduisait Platon, Spinoza, Eschyle, Goethe, Calderon. En avril 1822, il vint habiter avec des amis près de La Spezzia : c’est là qu’il devait périr pendant une traversée de Leghorn, au milieu d’une affreuse tempête. Son corps retrouvé, seulement au bout de dix jours, fut brûlé en présence de Byron et de Leigh Hunt, et ses cendres placées dans le cimetière protestant de Rome.

Shelley est un des meilleurs lyriques de l’Angleterre, peut-être le meilleur ; car ni Dryden, ni Wordsworth n’ont égalé la magnificence de son style, sa clarté, sa grâce, sa fraîcheur d’imagination, sa spontanéité ; et aucun n’a eu plus d’influence sur le développement de la poésie anglaise.

Citons encore de lui : Rosalind and Helen (1819) ; Lines written in dejection (1819) ; Peter Bell the Third (1839) ; The Masque of Anarchy (1832) ; Witch of Atlas (1820) ; Swellfoot the Tyrant (1820) ; Defence of Poetry (1821) ; Hellas (1822). Les principaux recueils sont ceux des Poetical Pieces (1823) ; Posthumous Poems (Londres, 1874 in-8). Une édition des Œuvres complètes fut donnée par sa veuve en 1839 (4 vol.), mais il parut, depuis, des lettres et des écrits en prose, des fragments poétiques, etc… La seule édition vraiment complète [au moment de la rédaction de cette notice – note de l’Enc. de L’Ag.] est celle de Buxton Forman (Londres, 1876-80, 8 vol.). Shelley a été traduit en français, en allemand, en italien, en russe, etc…